« Garantie décennale », « assurance dommages-ouvrage (DO) » … Le droit de la construction, domaine technique, regorge d’une multitude d’assurances et garanties de construction. La complexité et la technicité du droit de la construction appelle pourtant à une vigilance toute particulière sur l’existence et le fonctionnement des différentes assurances lorsque l’on entreprend des travaux de construction ou de rénovation.
Si le recours à un avocat en droit de la construction reste primordial en cas de litige, il est essentiel de connaitre les contours des principales garanties de construction, notamment l’assurance dommages-ouvrage.
Indispensable dans le cadre de tout projet de construction ou de rénovation, la garantie dommages-ouvrage demeure encore aujourd’hui mal connue du grand public.
Pourtant, il s’agit d’un mécanisme essentiel de protection du maître d’ouvrage, permettant une prise en charge rapide des sinistres les plus graves, sans attendre qu’un tribunal statue sur les responsabilités de chacun.
Quelles sont les obligations en matière de souscription ? Quels types de dommages sont couverts ? Comment fonctionne concrètement cette assurance en cas de sinistre ?
I. Une assurance obligatoire destinée à préfinancer les réparations
A. Qui doit souscrire à l’assurance dommages-ouvrage ?
Prévue par l’article L. 242-1 du Code des assurances, la garantie dommages-ouvrage est obligatoire pour toute personne faisant construire ou réaliser des travaux de rénovation lourde affectant la structure d’un bâtiment. Elle doit impérativement être souscrite avant l’ouverture du chantier.
Cette obligation concerne aussi bien :
- le particulier qui fait construire une maison individuelle,
- le promoteur immobilier dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA),
- le syndicat de copropriétaires lors de travaux de gros œuvre.
Malgré ce caractère obligatoire, on constate encore aujourd’hui que de nombreux particuliers n’y recourent pas, souvent par méconnaissance ou par souci d’économie. Pourtant, cette omission peut se révéler lourde de conséquences.
À noter : L’absence de souscription à l’assurance dommages-ouvrage est une infraction pénale, passible de 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros.
Cette assurance construction permet, en dehors de toute recherche de responsabilité des constructeurs, d’assurer au maître d’ouvrage le préfinancement des travaux de réparation des désordres de construction. Il s’agit d’un gain de temps considérable.
B. Quels sont les désordres couverts par l’assurance dommages-ouvrage ?
L’assurance dommages-ouvrage couvre les mêmes désordres de construction que ceux couverts par la garantie décennale, à savoir :
- les désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage (ex. : affaissement de plancher, effondrement de toiture, fissures structurelles) ;
- ceux qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination (ex. : infiltrations par la toiture ou les murs, défauts d’étanchéité, isolation thermique ou phonique gravement déficiente) ;
- les dommages affectant des éléments d’équipement indissociables du gros œuvre (ex. : plancher chauffant intégré dans la dalle).
En revanche, les désordres d’ordre esthétique, les défauts d’entretien ou les malfaçons mineures sont exclus du champ de cette assurance.
À la différence de la garantie décennale qui nécessite d’engager la responsabilité du constructeur, ce qui s’avère fréquemment long, l’assurance dommages-ouvrage permet au maître d’ouvrage de bénéficier d’un préfinancement des travaux de réparation.
Le maître d’ouvrage pourra ainsi commencer les démarches pour réparer les désordres sans rechercher la responsabilité des constructeurs. À charge pour l’assurance dommages-ouvrage de mobiliser la garantie décennale des constructeurs par la suite.
C. Une assurance dommages-ouvrage obligatoire et complémentaire à la responsabilité décennale des constructeurs
La garantie dommages-ouvrage n’est pas une garantie de responsabilité. Elle n’a pas vocation à désigner un coupable, mais à financer rapidement les réparations en cas de désordre grave, puis à laisser l’assureur exercer les recours contre les constructeurs responsables.
Il est essentiel de rappeler qu’aucune sanction pénale n’est prévue à l’encontre du particulier qui ne souscrit pas cette assurance. Mais cette absence peut créer de véritables blocages à différents niveaux :
- En cas de revente du bien dans les 10 ans suivant la réception, l’absence de garantie dommages-ouvrage peut freiner les acquéreurs, voire entraîner une baisse de valeur du bien ;
- En cas de sinistre, le maître d’ouvrage devra initier une procédure judiciaire, généralement longue et coûteuse, avec désignation d’un expert, audiences techniques, et incertitude sur la solvabilité des entreprises impliquées.
À noter : La Cour de cassation juge que l’absence d’assurance dommages-ouvrage (DO) souscrite par le maître d’ouvrage ne réduit pas la responsabilité des constructeurs. Ce défaut n’est ni une cause des désordres, ni une faute pouvant exonérer les constructeurs de leur responsabilité de plein droit (Civ. 3e, 19 septembre 2024, n° 22-24.808).
Ainsi, les constructeurs restent pleinement responsables, même si le maître d’ouvrage n’a pas pris cette assurance.
II. La mise en œuvre de l’assurance dommages-ouvrage
L’assurance dommages-ouvrage permet le préfinancement des travaux de réparation des désordres de construction.
La rapidité de l’indemnisation est le point essentiel de l’assurance dommages-ouvrage. En effet, sa mise en œuvre impose à l’assureur de répondre et d’indemniser le maître d’ouvrage dans des délais courts.
A. Une déclaration de sinistre formalisée
Dès lors qu’apparaissent, dans un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux, des désordres de construction de nature décennale, le maître d’ouvrage doit procéder à une déclaration de sinistre auprès de son assureur. Cette déclaration doit être précise et contenir :
- la description détaillée des désordres,
- leur date d’apparition,
- les coordonnées des entreprises intervenues,
- tout élément utile : factures, procès-verbal de réception, photos, constat d’huissier, rapport d’expert…
Le respect des délais de déclaration est crucial, surtout lorsque le dommage apparaît plusieurs années après la réception, mais toujours dans le délai de 10 ans.
B. Un calendrier strict imposé à l’assureur
L’assureur dommages-ouvrage est tenu de respecter un calendrier procédural strict, destiné à garantir la célérité de l’indemnisation :
- 60 jours à compter de la déclaration pour notifier sa position sur la prise en charge du sinistre,
- 90 jours pour formuler une offre d’indemnisation,
- 15 jours après acceptation de l’offre pour effectuer le versement effectif des fonds.
Si dans les délais impartis par la loi, l’assureur n’a communiqué aucune offre indemnitaire au maître d’ouvrage, alors il sera opportun de recourir à un avocat intervenant en droit de la construction pour mobiliser les garanties de l’assureur. Ce dernier ayant, à titre de sanction, perdu la faculté de refuser sa garantie. L’assuré – c’est-à-dire – le maître d’ouvrage, pourra engager les dépenses nécessaires aux réparations et se verra, par la suite, verser une indemnité majorée de l’assureur dommages-ouvrage.
C. Une subrogation automatique contre les constructeurs
Une fois l’indemnisation versée, l’assureur dommages-ouvrage est subrogé dans les droits du maître d’ouvrage. Cela signifie qu’il peut exercer un recours judiciaire contre les constructeurs responsables dans le cadre de leur garantie décennale.
Le maître d’ouvrage, quant à lui, n’a plus à s’occuper de cette phase contentieuse : il est indemnisé rapidement, les discussions techniques et les actions en responsabilité étant prises en charge par l’assureur.
Ce principe de subrogation rend la garantie dommages-ouvrage particulièrement avantageuse, car elle décharge le particulier des aléas et des coûts liés à l’engagement d’un procès technique, souvent complexe et éprouvant.
En résumé, l’assurance dommages-ouvrage et la garantie décennale sont complémentaires. L’assurance dommages-ouvrage est un mécanisme de préfinancement des désordres de nature décennale avant toute recherche de responsabilité des constructeurs. La garantie décennale nécessite au contraire d’engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.
En cas d’apparition de désordres, n’hésitez pas à vous faire assister par un avocat en droit de la construction lequel sera à même de mettre en œuvre l’assurance dommages-ouvrage et la garantie décennale.
Le cabinet MARTIN PEYRONNET, avocat en droit de la construction, se tient à votre disposition pour vous assister dans tous vos litiges en droit immobilier à Bordeaux comme dans la France.
Dernière mise à jour le 25 mai 2025 par Martin Peyronnet