Vous avez fait construire votre bien ou l’avez rénové et les travaux sont terminés ? Les ouvrages doivent à présent être réceptionnés. Soyez prudents ! Le droit de la construction accorde une importance particulière à la réception des travaux, qui est un acte juridique loin d’être anodin.
En effet, la phase de réception des travaux est l’une des étapes juridiques les plus importantes du droit de la construction. En pratique, il s’agit du moment où l’entrepreneur informe le maître d’ouvrage qu’il vient de finir les travaux.
Le maître d’ouvrage doit alors réceptionner les travaux, en prenant soin de lister l’ensemble des réserves à la réception. A défaut, tout ce qui était apparent à la réception sera purgé par cette dernière : plus aucun recours ne sera possible.
Ainsi, les défauts visibles qui n’ont pas été signalés lors de la réception ne pourront donner lieu à une action contre le constructeur. La réception est donc une étape essentielle pour le maitre d’ouvrage, afin de protéger ses droits.
Quelles sont les caractéristiques et les conséquences de la réception des travaux en droit de la construction.
I) Les caractéristiques de la réception
A) Les caractéristiques juridiques de la réception des travaux
Juridiquement, la réception intervient soit à l’initiative de l’entrepreneur soit du maitre d’ouvrage (celui qui commande les travaux). En effet, l’article 1792-6 du code civil indique sur ce point : « La réception (…) intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ».
En outre, la réception est une décision unilatérale du maitre d’ouvrage ; elle doit seulement, afin de respecter le principe du contradictoire, être prononcée en présence des entreprises de travaux (qui doivent à minima être convoquées).
Cela signifie que la réception peut arriver à tout moment, même en cours de chantier, sans l’accord de l’entrepreneur.
Il est important de souligner que la réception a un caractère irrévocable : une fois prononcée, elle ne peut être retirée, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement.
B) Les différents types de réception des travaux
La réception des travaux peut être expresse, tacite ou judiciaire :
- La réception est expresse, dès lors que l’entrepreneur et le maître d’ouvrage ont rédigé et signé un procès-verbal de réception.
- La réception est judiciaire quant à elle prononcée par un juge lorsque l’une des parties refuse de procéder à la réception du chantier.
- La réception est tacite lorsqu’en l’absence de procès-verbal de réception le maître d’ouvrage a pris possession de l’ouvrage et qu’il a payé l’intégralité des travaux (Cass. Civ 3e., 30 janvier 2019, 18-10.197). Ainsi, il revient à la personne qui conteste la réception tacite, de prouver l’absence de volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux.
C) La différence entre la réception, l’achèvement et la livraison
Attention, la « réception » des travaux ne doit pas être confondue avec « l’achèvement » ou « la livraison ».
- L’achèvement est une notion matérielle, elle correspond au moment où les travaux prévus par le contrat de construction ont été réalisés.
- La réception est une notion juridique, qui emporte des conséquences telles que détaillées ci-après (transfert de la garde de l’ouvrage, départ des garanties de construction etc …).
- Enfin, la « livraison » est une notion souvent rencontrée dans les VEFA : il s‘agit du moment où le promoteur immobilier livre le bien à l’acquéreur, qui en prend possession (remise des clefs). Toutefois, la livraison de l’ouvrage n’est pas nécessairement synonyme de réception.
La livraison correspond uniquement à la remise matérielle de l’ouvrage, tandis que la réception est un acte juridique aux effets beaucoup plus étendus (déclenchement des garanties, purge des vices apparents). Ces deux notions ne se confondent donc pas.
II) Le déroulement de la réception des travaux en pratique
En pratique, lorsque les travaux sont achevés, l’entrepreneur et le maître d’ouvrage vont procéder ensemble à un contrôle des différents travaux réalisés. Si un maitre d’œuvre ou architecte a suivi le chantier, il est fréquent que sa mission comprenne l’assistance du maitre d’ouvrage lors de la réception des travaux.
Il s’agit d’effectuer un état des lieux général, rigoureux et détaillé des différents travaux. Le maître d’ouvrage pourra, à ce stade :
- ne pas accepter les travaux réalisés en ne signant pas de procès-verbal de réception, notamment s’il considère que les travaux ne sont pas achevés.
- accepter les travaux en mentionnant des réserves (désordre, défaut, non-conformité) à la réception, qui seront consignés dans un acte appelé « procès-verbal de réception ». Il est préférable que ces réserves soient à la fois consignées par écrit et photographiées.
- accepter les travaux en ne mentionnant pas de réserve si le travail réalisé est irréprochable.
Etant précisé que la réception, même si elle est émise avec des réserves, constitue le point de départ des garanties légales de construction.
Ces réserves doivent être énumérées de manière précise au sein du procès verbal de réception ou, a postériori, dans une lettre recommandée à destination de l’entrepreneur.
L’entrepreneur doit alors les levées dans un délai raisonnable, généralement convenu au préalable. A défaut de reprise, il est fortement recommandé de le mettre en demeure par LRAR. Cela permet :
- de pouvoir faire appel à une autre entreprise pour effectuer les réparations, aux frais du constructeur défaillant, après en avoir informé ce dernier
- ou d’engager une procédure judiciaire pour obtenir l’exécution forcée ou des dommages-intérêts.
A noter : l’absence de levée des réserves n’empêche pas la réception de produire ses effets (transfert de la garde et garanties légales).
III) Les conséquences de la réception des travaux
A) La réception marque la fin du contrat de louage d’ouvrage
La réception traduit l’acceptation par le maître d’ouvrage des travaux réalisés. Dès lors que le maître d’ouvrage accepte les travaux sans relever d’anomalies de construction, il est mis fin au contrat de louage d’ouvrage.
Concrètement la mission de l’entreprise de travaux s’achève, à part si des réserves restent à lever. Dans ce cas, le contrat prend tout de même fin, à charge pour l’entrepreneur de lever les réserves.
B) La réception transfère la garde du chantier au maître d’ouvrage
Durant toute la réalisation des travaux de construction, le constructeur est responsable du chantier. En ce sens, il doit répondre de certains évènements tels que des vols ou des incendies. Ainsi à la réception des travaux, la responsabilité du chantier est transférée au maître d’ouvrage.
La réception transfère également les risques liés à l’ouvrage au maître d’ouvrage, qui devra alors souscrire une assurance appropriée pour couvrir ces risques (comme l’assurance multirisques habitation).
C) La réception marque le point de départ des garanties légales de construction
L’une des conséquences les plus importantes de la réception des travaux est qu’elle marque le point de départ des garanties légales de construction à savoir :
- La garantie de parfait achèvement (article 1792-6 du Code civil) :
- Durée : 1 an à compter de la réception des travaux
- Cette garantie oblige l’entrepreneur à réparer tous les désordres signalés lors de la réception ou survenus dans l’année suivant celle-ci, peu importe leur importance.
- Conditions : Le maitre d’ouvrage doit notifier à l’entrepreneur, par LRAR, les désordres constatés.
- Limite : La garantie de parfait achèvement ne couvre pas les dommages causés par un mauvais usage ou un défaut d’entretien de l’ouvrage par le maître d’ouvrage.
- La garantie biennale (article 1792-3 du Code civil) :
- Durée : 2 ans à compter de la réception des travaux.
- Elle couvre les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage, c’est-à-dire ceux qui peuvent être enlevés ou remplacés sans détériorer la structure du bâtiment.
- Exemples : Volets, robinetterie, radiateurs, interphone….
- Conditions : le désordre doit affecter le bon fonctionnement de l’élément, même si cela ne compromet pas la solidité du bâtiment.
- La garantie décennale (article 1792 du Code civil) :
- Durée : 10 ans à compter de la réception
- La garantie décennale couvre les désordres graves compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Cette garantie s’applique même en l’absence de faute du constructeur.
- Exemples : fissures importantes, infiltrations d’eau, défaut d’étanchéité….
- Assurance obligatoire : l’entrepreneur doit souscrire obligatoirement à une assurance responsabilité civile décennale, qui permet d’indemniser rapidement le maitre d’ouvrage en cas de sinistre de nature décennale.. Le maître d’ouvrage quant à lui doit souscrire à une assurance dommages-ouvrage, laquelle permet de refinancer les travaux de réparation.
Pour résumer : Dès lors que le maître d’ouvrage n’a pas réceptionné les travaux et si surviennent des désordres, il ne pourra pas se prévaloir des garanties légales de construction. Dans pareil cas, il ne pourra que rechercher la responsabilité du constructeur que sur le fondement contractuel.
Ainsi, en cas d’abandon de chantier par l’entreprise, la situation du maître d’ouvrage devient délicate. Faute de réception, il ne peut bénéficier d’aucune des trois garanties légales précédemment citées, ni même avoir recours à son assurance dommages-ouvrage.
Il faudra alors faire constater l’abandon de chantier, notamment par un commissaire de judiciaire, puis mettre en demeure l’entreprise de reprendre les travaux dans un délai raisonnable.
Si cette mise en demeure reste infructueuse, il sera possible d’envisager une résiliation du contrat aux torts de l’entreprise et solliciter une indemnisation des préjudices subis (retard, surcoûts, malfaçons)
Dans certains cas, il peut également être opportun de solliciter une réception judiciaire partielle des ouvrages exécutés, afin de faire courir certaines garanties sur ces parties de l’ouvrage et limiter les risques.
IV) Conclusion : l’importance de la réception des travaux
L’ensemble des participants à la phase de réception du chantier doivent faire preuve d’une grande vigilance au regard des conséquences juridiques importantes qu’elle peut entrainer. Le maître d’ouvrage peut d’ailleurs se faire assister par un professionnel en matière de construction. L’assistance d’un architecte, maître d’œuvre ou expert en bâtiment est vivement conseillée afin d’évaluer l’état de l’ouvrage avec précision.
En cas de litige survenant au stade de la réception des travaux, entrepreneurs et maîtres d’ouvrage peuvent également se rapprocher d’un avocat immobilier et construction afin que ce dernier les assiste et conseille.
Le cabinet MARTIN PEYRONNET, avocat en droit immobilier et droit de la construction à Bordeaux, se tient à votre disposition pour vous assister dans tous vos litiges immobiliers, à Bordeaux comme dans toute la France.
Dernière mise à jour le 17 mai 2025 par Martin Peyronnet