Afin de prévenir les difficultés financières de votre débiteur, vous pouvez garantir votre créance en inscrivant une hypothèque judiciaire sur le bien immobilier de ce dernier. Cette garantie peut-être mise en oeuvre par votre avocat en droit immobilier.
I) La distinction entre hypothèque légale, judiciaire conservatoire et hypothèque conventionnelle
L’article 2385 du Code civil définit l’hypothèque comme l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation sans dépossession de celui qui la constitue.
On distingue l’hypothèque conventionnelle, laquelle résulte d’un accord entre les parties, de l’hypothèque judiciaire conservatoire, laquelle est imposée par le juge. L’hypothèque légale permet quant à elle de garantir le paiement des charges de copropriété.
II) Les biens pouvant faire l’objet d’une hypothèque judiciaire conservatoire
Selon l’article L.531-1 du Code des procédures civiles d’exécution, une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières.
L’hypothèque judiciaire conservatoire concernera les biens immobiliers du débiteur.
III) Les conditions de l’hypothèque judiciaire conservatoire
A) Une créance fondée en son principe
La créance ne doit pas forcément être certaine, liquide et exigible. En effet, une créance vraisemblable en apparence peut suffire. C’est-à-dire qu’elle ne doit pas être nécessairement chiffrée.
B) Des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.
S’agissant de la deuxième condition relative aux circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, il est nécessaire d’apporter des éléments justificatifs objectifs.
La jurisprudence rappelle le principe constant selon lequel l’importance du montant de la créance à recouvrer, peut à elle seule, constituer une circonstance susceptible d’en menacer le recouvrement au sens de l’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CA Paris, 9 septembre 2021).
En outre, les circonstances menaçant le recouvrement de la créance auront principalement trait à la solvabilité du débiteur, que celle-ci soit insuffisante pour assurer le règlement de la créance, qu’elle soit incertaine, fortement douteuse ou que son insolvabilité soit imminente (Chambre commerciale de la Cour de cassation, 22 mai 1979, n° 78-11.782)
Ne sont pas caractérisées des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance : lorsque le débiteur possède un patrimoine immobilier important (Cour d’Appel de Colmar, 10 janvier 2010, n° 09/04929). Il en va de même lorsque le débiteur possède des revenus et avoirs lui conférant une aisance financière certaine (Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, 7 juin 2012, n° 11-16.106)
C) Le risque d’une saisie conservatoire abusive
L’article L.111-7 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance.
Toutefois, l’exécution de ces mesures ne doit pas excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation. La jurisprudence considère que le droit d’user des mesures conservatoires et des voies de
recours offertes par la loi ne saurait dégénérer en abus qu’en présence de la mauvaise foi ou de la faute du créancier (Deuxième chambre civile de la Cour de cassation,17 octobre 2013, n°12-25.147).
Attention, selon un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation n°74-13.921, en date du 20 janvier 1976, « la faute imputable au créancier peut résulter d’une simple imprudence fautive ou erreur grossière, ou plus radicalement d’une véritable intention de nuire ».
Il conviendra de veiller à ce qu’aucune faute ne soit commise par les créanciers dans la mise en œuvre de la saisie conservatoire. Cela permettra d’éviter que la saisie soit qualifiée d’abusive ainsi que toute demande de dommages et intérêt par les débiteurs.
La mise en œuvre d’une mesure de saisie conservatoire implique également le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité de la mesure. La disproportion consiste dans l’utilisation d’une mesure inutile ou excessive pour obtenir le règlement d’une créance. Il appartiendra aux commissaires de justice de vérifier si la consistance des biens qu’ils saisissent est suffisante pour assurer le paiement total ou partiel de la créance.
IV) La procédure de l’hypothèque judiciaire conservatoire en l’absence de titre exécutoire
A) Le tribunal compétent en matière d’hypothèque judiciaire conservatoire
Selon l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution, « Sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur ».
Selon les articles L.213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire et R.511-2 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur est compétent pour connaître des mesures conservatoires et des contestations relatives à leur mise en œuvre.
B) Le dépôt de la requête
Une requête doit être déposée devant le Juge de l’Exécution du Tribunal Judiciaire.
Attention, si la créance est d’un montant supérieur à 10 000 Euros, la requête devra être présentée par un avocat.
C) L’ordonnance du Juge de l’Exécution
Le juge détermine, au sein de son ordonnance, le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée. Il précise également les biens sur lesquels la saisie conservatoire porte.
D) La publication provisoire : l’exécution de la mesure conservatoire
La mesure conservatoire doit être exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance, sous peine de caducité de cette dernière. Cela consiste au dépôt au service de la publicité foncière de deux bordereaux.
La publicité provisoire conserve la sûreté pendant une durée de trois années. Elle peut en outre être renouvelée pour la même durée.
Selon l’article L.532-1 du Code des procédures civiles d’exécution, l’hypothèque judiciaire conservatoire sera opposable aux tiers au jour de l’accomplissement des formalités de publicité provisoire. Elle devra ensuite faire l’objet d’une publicité définitive.
E) L’information au débiteur
Dans un délai de huit jours à compter de la publication provisoire, le débiteur doit être informé par acte de commissaire de justice, sous peine de caducité.
F) La demande du titre exécutoire
Ensuite, dans un délai d’un mois à compter de la publicité provisoire, une demande du titre exécutoire doit être réalisée.
G) La publication définitive
Une publicité provisoire doit être confirmée par une publication définitive. Cette dernière permet de donner rang à la sûreté à la date de la formalité initiale. A défaut de confirmation dans un délai de deux mois, la publicité provisoire est caduque et sa radiation peut être demandée au juge de l’exécution.
V) La procédure d’hypothèque judiciaire conservatoire en cas de détention d’un titre exécutoire
Lorsque le créancier est déjà titulaire d’un titre exécutoire, la mainlevée de la publicité provisoire peut être demandée jusqu’à la publicité définitive, laquelle ne peut intervenir moins d’un mois après la signification de l’acte.
VI) Les contestations du débiteur en matière d’hypothèque judiciaire conservatoire
Le juge peut ordonner la main levée de la mesure conservatoire en cas de contestation du débiteur. Il incombera alors au créancier de démontrer que les conditions de la mesure conservatoire sont remplies.
VII) Les avantages et les effets de l’hypothèque judiciaire conservatoire
L’hypothèque judiciaire conservatoire présente de nombreux avantages : assure une protection immédiate des créanciers, prévient une éventuelle dilapidation des biens immobiliers du débiteur, accorde un droit de préférence aux créanciers, possède un effet dissuasif sur les autres créanciers et limite d’éventuels transferts de propriété.
S’agissant des effets de l’hypothèque judiciaire conservatoire, les biens du débiteur demeurent inaliénables selon l’article L. 531-2 du Code des procédures civiles d’exécution.
Cependant, le propriétaire conserve l’ensemble de ses droits tant que l’hypothèque n’est pas définitive. Le débiteur peut alors procéder à la vente du bien mais le créancier disposera d’un droit de suite. A l’inverse, lorsqu’un tiers achète le bien immobilier, une procédure de purge permet d’éviter
les effets du droit de suite. C’est-à-dire que le tiers peut proposer un prix d’achat au créancier, lequel peut accepter ou refuser. S’il refuse, il doit alors procéder à la remise en vente du bien aux enchères.
VIII) Le coût d’une hypothèque judiciaire conservatoire
L’article L.512-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur et ce, sauf décision contraire du juge.
Toutefois, la mise en œuvre d’une mesure d’hypothèque judiciaire conservatoire entraine le paiement de taxes au Trésor Public en fonction du pourcentage de la créance, lesquelles sont payables dès le dépôt du bordereau d’inscription provisoire par le créancier.
Conclusion
En conclusion, la mise en œuvre d’une hypothèque conservatoire peut être opportune en ce qu’elle permet aux créanciers de se prémunir des risques dans le recouvrement de leur créance. Elle permettra de transformer la saisie conservatoire en saisie définitive, mettre la pression sur les débiteurs, et éviter d’éventuels concours avec d’autres créanciers.
Cependant, compte tenu de la complexité d’une telle procédure, il est fortement conseillé de faire appel à un avocat en droit immobilier.
Le cabinet Martin Peyronnet, situé à Bordeaux, vous accompagne dans toutes les démarches liées aux mesures conservatoires, au recouvrement de créances ou à l’exécution forcée.
Dernière mise à jour le 6 août 2025 par Martin Peyronnet